Entretien de l'aqueduc romain dans le système d'approvisionnement en eau de Divona, France
Rapports scientifiques volume 13, Numéro d'article : 12035 (2023) Citer cet article
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Les dépôts de carbonate formés dans les aqueducs romains offrent une fenêtre sur l'environnement et la gestion de l'eau dans l'Antiquité. Ces archives laminées se sont précipitées sur une période de plusieurs décennies, voire plusieurs siècles, et constituent une source potentielle à haute résolution d’histoire non écrite. Cependant, leur utilisation comme archives environnementales est entravée par des retraits locaux et partiels lors de travaux de maintenance dans certains aqueducs. Ce problème apparent crée cependant une opportunité unique d’étudier la gestion romaine de l’eau. Nous présentons la découverte de traces d'entretien régulier dans des gisements carbonatés de l'aqueduc romain de Divona (Cahors, France). L'objectif principal de cette étude est de déterminer la périodicité des enlèvements locaux de carbonate et des réparations dans cet aqueduc. Des traces telles que des marques d'outils, des macles de déformation de calcite, des débris de nettoyage et de réparations sont attestées dans les dépôts comme preuve de l'élimination manuelle périodique du carbonate par les équipes de maintenance romaines. Le profil δ18O, enregistrant au moins 88 ans de dépôt, montre que les travaux de maintenance ont été effectués à des intervalles de 1 à 5 ans. La périodicité non perturbée du profil δ18O indique que les travaux ont été réalisés rapidement et jamais en été, conformément aux conseils de l'auteur romain Frontin concernant l'entretien des aqueducs de la ville de Rome. Les intervalles d'entretien se sont allongés et les nettoyages sont devenus moins fréquents à l'approche des dernières années de l'aqueduc. Ce changement de politique d'entretien donne un aperçu de l'évolution de la population locale et de la dynamique socio-économique à la fin de l'Antiquité.
La technologie de l’eau sous forme d’aqueducs faisait partie intégrante de la culture romaine et constituait l’une de ses réalisations techniques les plus impressionnantes. Bien que la construction et la diffusion de ces systèmes d’approvisionnement en eau soient dans une certaine mesure comprises1,2, on sait peu de choses sur leur environnement environnemental, et encore moins sur leur entretien pendant leur période d’utilisation. Les canaux des aqueducs étaient généralement incrustés de dépôts de carbonate de calcium qui étaient parfois enlevés. Ces gisements constituent désormais une aubaine pour la science, car ils stockent des informations sur les changements dans le débit et la chimie de l’eau. Ces changements sont à leur tour liés aux variations naturelles des précipitations locales, de la température, de la couverture végétale et de l'activité biologique dans le canal avec une résolution possible de quelques jours à quelques heures sur des périodes allant de plusieurs décennies à plusieurs siècles3,4,5,6,7. Les gisements sont également une source potentielle d'informations sur la gestion de l'eau et la chronologie de l'utilisation et des modifications8,9,10,11, donnant un aperçu de la dynamique des populations locales et des facteurs socio-économiques.
Bien que le carbonate d'aqueduc soit une archive potentielle à haute résolution de l'histoire environnementale directement liée aux établissements humains, la perte d'informations due à l'élimination du carbonate dans l'Antiquité est un frein à son utilisation, car des parties de la stratigraphie peuvent être perdues. Des preuves d'élimination manuelle des dépôts de carbonate ont été observées dans de nombreux sites, par exemple les aqueducs de Rome12,13, Nîmes14, Reims15, Béziers5, Fréjus16, Istanbul10 et les sites des moulins à eau romains de Barbegal8 et Saepinum17. L'élimination locale du carbonate a généralement été identifiée sur une seule surface de nettoyage, reflétant un événement de maintenance isolé. Cependant, certaines structures hydrauliques, telles que les moulins à eau, devaient être nettoyées plus fréquemment que les canaux d'aqueduc généralement construits de grande capacité8,17, car la turbulence créée par leurs roues de moulin entraînait un dépôt de carbonate plus rapide. Les profils de microbroyage continu de δ18O mesurés sur le carbonate des gouttières qui alimentaient les moulins à eau de Barbegal (France), ont confirmé que les moulins alimentant les gouttières avaient un horaire de fonctionnement différent de celui des aqueducs utilisés pour l'approvisionnement en eau urbain8. Les troncatures découvertes dans ces profils isotopiques stables étaient régulières et coïncidaient toujours avec la fin de l'été et le début de l'automne. On en conclut donc que les moulins ne fonctionnaient pas en continu, contrairement à un approvisionnement en eau potable. Nous avons documenté des traces d'entretien régulier dans les fragments carbonatés des machines du moulin à eau, interprétées comme résultant du remplacement des structures en bois tous les 5 à 10 ans environ8.